Trouble borderline état limite et dysphorie
"Je suis conscient(e) mais absent(e),  sans désirs, vide".

Introduction:

Les personnes qui souffrent d’un trouble borderline vivent régulièrement des moments de dysphorie.
La dysphorie étant le contraire de l’euphorie , un sentiment de vide où la personne n’est plus vraiment là (mais pas comme dans une dissociation ).
La dysphorie est un état de malaise, un sentiment désagréable et négatif.
Tous les borderline ne vivent pas la dysphorie de la même façon, certains voient ça comme un état un peu comme un demi-sommeil, c’est à dire dans  un état de conscience réduite. D’autres vivent ces épisodes comme un état déprimé et d’autres sont extrêmement angoissés  durant la dysphorie.

Données, études
* Pazzagli A, Monti MR. - Department of Neurological and Psychiatric Sciences, Chair of Clinical Psychology, University of Florence, Italy.
2000 Psychopathology. - Dysphoria and aloneness in borderline personality disorder.
"Un examen étroit de la dysphorie, de la colère et de la solitude (trois caractéristiques principales du syndrome borderline) fournit un modèle théorique de référence pour le therapeute.
La dysphorie résulte de l'oscillation émotionnelle cyclique entre l'espoir de stabilité et la déception de son "inatteignabilité"; une dépression anaclitique (liée à l'attachement) dépendante résulte du mélange de la colère, de la solitude et de vide intérieur qui est si caractéristique du trouble borderline.
La tendance à être immergé dans le ici-et-maintenant, une mentalité "intra-festum" (fete?) , exacerbe le sens de l'isolement, causant plus d'irritation, de frustration muette et, par conséquent, de colère"

Témoignages:
2 témoignages sur la dysphorie de personnes qui ont un trouble borderline état limite.

Interview témoignage d'Agnes

Sentiments

Q: Durant ces phases, éprouvez-vous de la tristesse ?
J'éprouve une infinie tristesse, une tristesse envahissante.

Q: Etes-vous à plat ? (psychiquement et ou physiquement)
Pas vraiment, mais je fais les choses de façon mécanique car je suis absente à moi-même.
Je ne suis tout simplement pas là.


Q: Etes vous sans désir ?
Oui absolument, sans désirs, vide.


Q: Avez-vous le sentiment de "récupérer" durant ces périodes ? de recharger des batteries ?
Non, mais je sens qu'il m'est nécessaire de ralentir.
Si dans ces périodes, je ne peux pas m'isoler, j'agresse quiconque se trouve dans mon environnement proche et toute personne qui pénètre mon territoire de ressourcement est ressenti comme un intrus. Même mon compagnon.


Q: Etes-vous une autre personne durant ces crises ?
Oui et non, j'ai un sentiment de dépersonnalisation...


Q: Si oui cette personne est-elle plus vous ou moins vous ou vous savez pas ?
J'ai moins de force pour maintenir le bouclier en place, donc je laisse peut-être parler l'enfant qui est en moi (et dont j'ai honte parce qu'il est faible)


Q: Quel est le sentiment qui domine ?
Un sentiment de néant insupportable.


Q: Etes-vous reellement consciente de cet etat  ?
Oui je suis consciente car je suis en danger, et je dois faire plus attention à ne pas baisser ma garde.


Arrivée et sortie de la crise
Q: Sentez-vous la crise arriver ?
Oui.

Q: Longtemps avant ?
Difficile à dire. Je dirais que cela dépend de la longueur de la crise qui surviendra derrière.


Q: C'est quoi les signes d'alerte ?
Il y a des signes avant-coureurs :
- une envie de pleurer latente,
- des pulsions qui reviennent (boulimie, angoisse avec noeud à l'estomac, envies suicidaires, ou abus de toxiques divers comme l'alcool)
- je passe peut-être plus de temps au lit,
- je deviens agressive pour des futilités, et je ne supporte plus rien.
Cela arrive petit à petit, mais la crise en elle-même n'est pas systématique. Quelquefois, j'ai les signes sans la crise...


Q: Vous sentez arriver la crise même si vous ne savez pas vraiment quand et ou elle va se produire ?
Non, la crise n'est pas aussi déterminée ni dans le temps ni dans l'espace.


Q: Avez-vous la possibilité de la fuir, de l'éviter c'est complètement subi ?
Je ne peux pas la fuir, mais je peux éviter ses manifestations aux autres soit en m'isolant, soit en prenant des tranquillisants qui m'aide à attendre que ça passe sans passage à l'acte.


Q: Avez-vous une maitrise par exemple pour en sortir ?
Lorsque la crise s'installe vraiment, je me remets sous chimiothérapie (effexor). C'est pour moi le seul moyen de ne pas passer la "borderline".

Durée
Q: Les crises sont-elles de durée variable ?
Oui.

Q: Ca peut durer combien de temps une crise ? (en moyenne et les extrêmes mini et maxi)
Pour moi, au moins une journée. Au pire, j'ai fait une dépression majeure qui a duré plus d'un an.


Q: Pouvez-vous si necessaire faire semblant durant ces phases ? (je m'explique vous etes en pleine crise, a ce moment la on vous demande d'etre performante, c'est possible ?)
Il m'est possible d'être perfomante durant une crise mais c'est terriblement épuisant et le sentiment de solitude est écrasant.


Ebauche d'explication ?
Q: Peut-on finalement dire que vous en avez "besoin", que ces crises sont un mécanisme de sécurité de "mise en sommeil" de votre de cerveau pour vous "régénérer" et être apte à affronter vos prochains stress émotionnels ?
Je ne le pense pas. La dépersonnalisation qui accompagne la dysphorie est pour moi extrêmement désagréable, et m'a conduit à des comportements extrêmes pour la supporter.

Avec l'aimable concours d'Agnès

*****

Interview témoignage de Florence

Sentiments
Q: Durant ces phases, éprouvez-vous de la tristesse ?
La tristesse intense et profonde, celle ou on a envie de crever (je dis crever car c'est vraiment ça), je n'en ai plus trop maintenant avec l'age, mais quand j'étais plus jeune cela arrivait, et c'est affreux, c'est une boule qui me prenait les tripes, cette envie de partir de la vie, celui qui ne l'a jamais eprouvé ne peut pas comprendre à quel point ça fait mal.

Q: Etes-vous à plat ? (psychiquement et ou physiquement)
Cela dépend vraiment des fois. Des fois, je suis totalement amorphe, apathique (AAPEL: "Sans énergie, insensible à tout"), physiquement et aussi psychologiquement, je n'ai envie de rien, je me sens vide, je m'ennuie, je ne sais pas quoi faire, en général je me vautre sur le canapé et je n'arrète pas de zapper à la TV, et la le monde pourrait s'écrouler que je resterais amorphe...on ne peut pas vraiment dire que je sois triste, juste vide, comme si je n'existais pas vraiment. Quand j'étais plus jeune, dans ces passages je pouvais rester allongée sur mon lit ou assise à mon bureau, sans rien faire, à "révasser" comme disait ma mère.


Q: Etes vous sans désir ?
Dans ces moments la rien ne me fait plaisir, je change d'activités trés vite car ça m'ennuie, moi qui adore lire je change de livre toutes les 5 minutes, bref je "m'emmerde" profondement, et des fois d'ailleurs je commence à m'enerver et à faire une colère.


Q: Avez-vous le sentiment de "récupérer" durant ces périodes ? de recharger des batteries ?
Non, car les crises n'ont pas d'ordre logique, par exemple une crise de colère peut succéder à une crise d'apathie, une crise de tristesse peut apparaître à un moment ou tout va bien dans ma vie, l'apathie peut survenir alors que je n'ai pas fait d'effort particulier, donc ce n'est pas pour recharger les batteries, pas du tout, je n'ai aucune maîtrise de ce qui m'arrive hélas.


Q: Etes-vous une autre personne durant ces crises ?
Je n'ai pas l'impression d'etre une autre personne quand je suis ailleurs, les autres me voient partir, etre dans la lune et ça les enerve, mais moi non, car j'ai toujours été comme ça. Il y a d'autres fois ou je déccroche mais la c'est pas désagréable, je rève à des choses agréables, j'ai meme des pensées de grandeur, je pense, mais je ne me sens pas vide, je suis plutot "bien", mais bien sur ça enerve tout autant les autres, pour eux je reste "absente".


Q: Etes-vous plutôt plus "enfant" durant la crise ou ca n'a rien à voir ?
Je ne suis pas enfant quand je suis dans ma bulle, par contre si quelqu’un essaye de me sortir de cette bulle, ou me parle, la ça m'énerve et je peux être enfant, du genre je "grogne" ou je crie, comme une gamine de 3 ans.


Q: Quel est le sentiment qui domine ?
Le sentiment qui domine est celui d'ennui, et aussi celui d'incapacité, à se bouger, à etre dynamique, efficace, on sait qu'on perd son temps mais on n'arrive pas à faire autrement. Je me sens vide.


Q: Etes-vous reellement consciente de cet etat  ?
Je suis consciente bien sur d'etre totalement amorphe et apathique, mais je sais que ça ne dure pas alors il suffit d'attendre, avec le temps on devient philosophe, je ne suis pas maitre de mes emotions ni de mes "états" mais je sais que ça change alors je suis devenue patiente et attentiste.


Q: Vous sentez-vous en "danger" (vulnérable) durant ces crises ?
Quand je suis apathique et vide je ne me sens pas en danger, puisque je ne ressens pas grand chose à part le vide et l'ennui, par contre quand je suis triste ou quand j'ai un sentiment de malaise, la oui, je me sens vulnérable, dans le sens ou je me demande quel est le sens de ma vie, j'ai un vague sentiment de peur, peur de mon futur, sans que ça soit véritablement précis, c'est flou, c'est assez vague.


Arrivée et sortie de la crise

Q: Sentez-vous la crise arriver ?
Je ne sens jamais la crise arriver, comme la crise de rage, non, ça vient comme ça, c'est tout.

Q: c'est vraiment pas du tout ? C’est donc progressif ?


Q: en fait c'est une fois que vous y êtes que vous savez que vous y êtes ?
Pour les crises ou je me sens triste, cela arrive un peu progressivement, disons que je sens venir une angoisse vague, une tristesse, indéfinie, vague, n'ayant rien à voir avec la situation présente, puis ça s'installe plus fort, par contre l'apathie et surtout les phases de "décrochage" s'installent beaucoup plus brutalement.


Q: Avez-vous une maitrise par exemple pour en sortir ? A priori je dirais non vous subissez exact ?
Oui je subis, je n'y peux rien et parfois j'ai des mécanismes de défense complètement puérils et incompréhensibles aux autres, pour lutter contre une angoisse "flottante" ou une pensée pénible qui me vient, je suis capable de me mettre à crier ou a dire une injure pour essayer de la faire partir, exemple je me mets soudain à crier "sale pute !" tout fort, et bien sur mon conjoint me dit "mais ça va pas non ?" Aucun vrai moyen de s'en sortir, non !


Q: Pouvez-vous si necessaire faire semblant durant ces phases ? (je m'explique vous etes en pleine crise, a ce moment la on vous demande d'etre performante, c'est possible ?)
Ces états la, quand je suis au boulot, j'arrive à les "mettre au placard", en général ça se passe à la maison ou dans ma voiture ou meme en soirée, mais bien sur je sais etre performante à mon boulot, d'ailleurs heureusement que je travaille car ça limite mes phases d"'amorphie". Quand j'étais ado je disais de moi que j'étais "une larve anémique" quand je faisais ça. Cette apathie, les autres ne la comprennent pas et ne font que dire "mais secoue toi donc", mais je ne pouvais jamais.


Q: Ca veut dire que jamais jamais ca n'arrive quand il faut pas ?
Q: Si ca arrive parfois rarement "quand il faut pas", pouvez vous en sortir ?
Oui quand je suis triste je peux le cacher, quand je suis dans la lune je peux en sortir brutalement si je suis en soirée ou au boulot, d'ailleurs au boulot ça ne m'arrive que quand personne ne peut le voir, seule dans mon bureau ou à la cafétéria, ou en réunion, par contre dés qu'il le faut j'arrive quand même à au moins le masquer, et en général ça n'arrive pas, par contre dès que je rentre chez moi paf ça revient.


Q: Dans l'hypothèse ou vous avez la capacité de l'éviter (par le travail), est-ce qu'ensuite vous en payez le prix ? C’est à dire que la suivante sera beaucoup plus importante ?
Oui on peut dire ça, quand je suis en vacances, les premiers jours je suis en général très apathique, peut-être que c'est le trop plein qui déborde !


Durée
Q: Les crises sont-elles de durée variable ?
Oui, ces crises sont de durée variables, de toute façon moi je change constamment d'humeur, tous mes états alternent trés vite, je peux etre amorphe à midi, normale à 14h, piquer une crise de rage à 15h, etre angoissée à 16h...je ne suis jamais constante, c'est ça mon gros problème.

Q: Ca peut durer combien de temps une crise ? (En moyenne et les extrêmes mini et maxi)
Ca peut durer de quelques secondes à quelques heures (avec intermittence) pour les crises de tristesse, et pour les crises d'apathie en général ça dure quelques heures. Quant au moment ou je "décroche", ou je suis dans ma bulle, ça peut durer juste une minute ou deux, jusqu'à une heure ou deux, et ça peut arriver brutalement, sans prévenir.


Ebauche d'explication ?

Q: Peut-on finalement dire que vous en avez "besoin", que ces crises sont un mécanisme de sécurité de "mise en sommeil" de votre de cerveau pour vous "régénérer" et être apte à affronter vos prochains stress émotionnels ?
Je ne sais pas trop, des fois je ne comprends pas ce qui m'arrive, j'ai une impression de bizarrerie, je ne sais plus trop ou j'en suis, je suis même confuse dans ma pensée et même des fois je perds la mémoire effective. Exemple je vais chercher un papier et quand je rentre dans ma chambre j'ai oublié pourquoi je suis la, c'est étrange et pénible, oui des fois il m'arrive de me sentir "étrange", je ne me comprends pas, et d'autres fois j'ai vraiment l'impression d'être en dehors du monde, je regarde les autres vivre et moi j'ai l'impression de ne pas appartenir au même monde qu'eux, c'est assez bizarre.

Avec l'aimable concours de Florence.


AAPEL
Merci de lire les pages euphorie

A noter que les changements d'humeur ainsi que la dysphorie font bien partie des critères DSM du trouble borderline.
On retrouve aussi les changements d'humeurs dans les critères diagnostiques des Troubles bipolaires


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Mise en garde:
Toutes les informations présentes sur ce site sont dans le but d'aider à comprendre une maladie pour le moins "particulière" et déroutante
Mais aussi et surtout à soutenir les personnes qui souffrent, malades ou pas. En tous les cas, il est INDISPENSABLE d'avoir recours à un médecin psychiatre et ou psychothérapeute spécialiste de la maladie pour confirmer ou infirmer un diagnostic
Quoiqu'il en soit le nom d'une maladie importe peu, ce qui compte, c'est d'appliquer le "bon" traitement à chaque malade
 
 
 

Dernière mise à jour 2019.

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Auteur Alain Tortosa, praticien en psychothérapie, président fondateur de l'aapel
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