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Le trouble de la personnalité borderline état limite et le suicide impulsif.
(suicide
impulsif...oui mais plutot après longue réflexion).
Préambule de l'AAPEL
Extrait
de "Le père noel est une ordure"
Anecdote
de F.
Préambule de F. sur ses "flirts" avec le suicide.
Questions posées à F. sur son vécu du suicide.
Questions posées à A. sur son vécu du suicide et une triste réalité de
certains services psychiatriques.
Conclusion,de l'AAPEL.
Extrait : " Le père noël est une ordure " - Scène 1
(Un désespéré rentre dans une cabine publique de téléphone, il a un revolver à la main, il a du mal à faire un numéro de téléphone, un numéro qui n'en finit plus (quinze-vingt chiffres), ça sonne, on décroche à l'autre bout.)Voilà, cette scène aurait pu être la scène d’un documentaire avec une personne souffrant d’un trouble de la personnalité Borderline état limite.
THÉRÈSE. Allô, Allô.
(Il parle en hoquetant, le revolver sur la tempe.)
L'HOMME. Allô... Détresse-Amitié ?
THÉRÈSE. Allô... Allô... Je ne vous entends pas...
L'HOMME. Je suis au bout du rouleau, qu'est-ce que je dois faire ?
THÉRÈSE. Je ne vous entends pas, appuyez sur le bouton.
(L'homme appuie sur la gâchette et tombe mort.)
(Noir.).
Préambule, témoignage de F. qui nous parle de ses "
flirts " avec le suicide mais aussi d'un de ses amis, C., qui lui
ne peut plus en parler
" Pour moi c'est le passé puisque depuis l'age de 23 ans je n'ai plus (ou de manière très fugitive) d'idées suicidaires.
Je crois que pendant au moins deux trois ans, je dirais de 18 à 21 ans, le suicide était quand même omniprésent, j'y pensais très souvent, j'avais quand même très souvent envie de mourir, de crever, et je pensais très souvent au moyen le mieux, je me rappelle en 1993 pour le suicide de Pierre Bérégovoy, beaucoup de médecins disaient que s'il n'était pas mort sur le coup, c'est parce qu'il avait appuyé sur la tempe, alors qu'il vaut mieux le faire ou dans la bouche, ou sous le menton, ou sur le front, il y a moins de risques de se "rater", j'y ai pensé pendant un moment, mais la bouche ça me terrifiait, alors je me suis dit que le mieux c'était de faire comme lui mais dans un bain, comme ça même si on n'est que dans le coma, on se noie quand même !Je peux vous dire que j'avais parlé d'un projet de suicide à ma plus proche amie, je lui avais dit que ça serait marrant si on allait toutes les deux se pendre sur ma balançoire, j'y pensais sérieusement en plus. Elle aussi elle était bizarre d'ailleurs, elle était toujours seule, sans amis, elle avait l'air de n'éprouver aucun sentiment.
Je parlais aussi à d'autres, en posant des questions du genre "une balle dans la tète, tu crois que ça fait mal ?" "La pendaison, ça dure combien de temps ?"
Donc j'avais des projets que certains connaissaient plus ou moins, même s'ils croyaient que je "déco...is" (drôle de manière de "rigoler" quand même !)
Ensuite, j'avais très peur de l'échec, et je me souviens que je me disais à chaque début d'année "bon, si je rate cette année, je me suiciderai", et encore maintenant, je me dis des fois "si je perds tout, mes enfants, mon boulot, mari etc.. je me suiciderai"
Je crois que c'est ça, car actuellement je ne le ferais plus pour des choses aussi stupides ! Pour des choses vraiment très graves peut-être, mais pour un échec non. Je crois que j'étais très fragile, je ne voulais pas vivre, alors le moindre truc, c'est la goutte d'eau, le vase déborde et voila, on essaie de partir.
J'avais un copain de fac, C., qui à mon avis maintenant était borderline (instabilité affective, angoisse, envies suicidaires) et lui a réussi son suicide hélas après deux tentatives. A chaque fois c'était à la suite d'une rupture, la fille lui a annoncé qu'elle le quittait et il a essayé de se tuer.
Sa famille ne s'est pas plus inquiété que ça, je crois qu'ils le prenait pour un garçon fantasque, rêveur et romantique.
Malheureusement, la 3e a été la bonne, de nouveau une fille lui annonce qu'elle le quitte, mais la il avait le fusil de chasse de son oncle sous la main, il s'est tiré une balle dans la tête et il est mort. Trois fois, c'était de l'impulsif, même si ce gars était souvent très triste et mélancolique et avait des idées noires.
A l'époque bien sur je ne savais pas qu'il était borderline (je ne le savais pas pour moi !) mais je le comprenais, j'avais senti toute la profondeur de sa tristesse qu'il cachait derrière une gaieté et une conversation pleine d'humour. Je n'ai jamais osé lui dire que je l'avais compris puisque j'étais comme lui, je regrette mais je ne savais pas non plus pour moi.
Mais voilà, une rupture, et il se tue, mais ce n'est pas cette fille qui l'a tué, elle a servi de détonateur. Un vrai gâchis, il avait 23 ans.Pour en revenir au suicide par impulsion, comme son nom l’indique il est impulsif donc imprévisible.
Par contre, un signe que cela ne va pas fort : je ne supporte rien, j'envoie promener tout le monde, je suis nerveuse et angoissée, ça c'est un facteur de risque à mon avis.Mais comment reconnaître des signes indiquant que la personne risque de passer réellement à l'acte, la c'est difficile, je crois qu'un changement brutal dans la vie du borderline est un gros facteur de risque, donc une rupture sentimentale, un deuil annoncé brutalement, un licenciement, tout ça serait susceptible de me faire faire une "connerie".
Quant aux envies suicidaires, avec l'age je n'en ai plus guère, mais quand j'étais jeune
je crois que ça se voyait quand je n'allais pas " - F.
Q : Vous décidez de vous tuer "pour vous" ou à
cause du regard des autres sur vous ?
Le
suicide
n'a rien à voir avec les autres et ce n'est pas pareil
que pour les autres conduites auto-agressives. Je me dis la mort peut
être une solution si j'en ai vraiment marre et que rien n'a plus de
sens dans ma vie, et ça m'a "aidé" à le faire de manière impulsive
de penser à tout ça, car actuellement je n'ai plus envie de me
suicider et je ne pense pas que je le ferais de manière impulsive
sauf bien sur s'il m'arrivait quelque chose de très grave, la
peut-être. Mais je sais qu'il y a cette solution, ça peut en être une
si un jour je suis toute seule, malheureuse et que j'ai tout perdu. Ca
m'aide à vivre de savoir ça.
Q : Est-il nécessaire pour vous d'avoir des
substances qui endorment le cerveau, (alcool, drogues,
médicaments) ?
Je
n'avais
pas besoin de l'alcool pour y penser, mais je n'aurais
jamais pu le faire froidement, même si j'y pensais, je l'aurais fait
"poussée par quelque chose" un échec, la peur, l'angoisse,
etc...
Q : Y-a-t-il plusieurs cas de figures différents
qui mènent à la TS ?
Si vous
regardez toutes vos tentatives ou presque tentatives savez-vous dire
qu'elle était la raison principale hormis le fait que c'était LA
solution ?
Pour moi
actuellement, j'en vois une principale : Si je perds un enfant, la je
crois que je me tuerais, ça serait trop dur pour moi.
Si je perds
mon boulot, si je perds mon mari, que je suis seule, sans issue pour
vivre, je pense que je pourrais le faire aussi.
Si je suis
infirme, défigurée, si on m'annonce un cancer, je pourrais aussi en
venir la.
Mais pour
revenir à mes tentatives passées, dans les
3 cas ou j'en ai fait, c'était pour échapper à une situation
d'échec scolaire potentiel,
même si après j'ai réussi, j'ai eu des mentions, je ne supportais pas
l'idée de rater un partiel et de me prendre un 2 sur 20, ce qui m'est
arrivé après avoir raté mes TS, et j'ai eu 18 le coup d'après. C'est
la peur de rater un partiel, pour moi c'était le monde qui
s'écroulait.
Q: Quand c'est un projet mûrement réfléchi, ce
n'est en réalité qu'un jeu d'esprit qui ne mènera jamais à
l'acte ou pas ?
Si, un projet réfléchi pourrait mener à l'acte
bien sur, mais il faudrait que mon humeur
soit stable dans la tristesse pendant assez longtemps,
chose qui ne m'est jamais arrivé quand j'y pensais sérieusement, même
si plus d'une fois j'étais au bord de le faire par pendaison, je me
suis serré plus d'une fois le cou avec un lien pour voir si ça faisait
mal, j'avais quand même réfléchi au meilleur moyen de le faire, la
pendaison me faisait un peu peur, j'avais fini par me dire que le
meilleur moyen c'était une balle dans le tète, mais je n'avais pas
d'arme.
J'aurais pu
le faire oui oui, mais mon humeur était très instable, j'avais
envie
d'y passer à 10h, j'en pleurais
même, et puis à 12h je pensais à autre chose, à 18h de nouveau j'y
pensais, et puis de nouveau mon état changeait.
J'aurais pu mourir à cet age, ça ne s'est pas fait, j'ai eu de la
chance ou peut-être de la malchance mais je suis encore la !
Q : Dans votre esprit le passage à l'acte du
suicide ne peut donc qu'être impulsif ?
(Il est par exemple inenvisageable de planifier votre
mort, de dire que dans 2 semaines vous allez mourir de cette façon,
préparé à la seconde, ...? )
J'ai
planifié
ma mort plus d'une fois, mais au jour dit, je n'avais plus envie,
puisque je n'étais pas dans un état de tristesse. Je
vous dis, on est totalement instable dans
notre tète, donc à mon avis un borderline court plus de risques de
se tuer impulsivement que
préparé à l'avance( même s'il a pensé au suicide
avant, et très souvent). A mon avis le
risque
est plus élevé, et c'est ce qui est grave d'ailleurs, car comment
le prévoir ?
Q: Avez-vous à ce moment la, au moment de l'acte
ou presque acte, en tête la notion de fin de la vie définitive
au moment de ce projet impulsif
? (ou pas)
Pas trop
non, c'est très flou, de toute façon pour moi la mort est un concept
flou, deux mois après la mort de ma grand-mère j'avais encore des
réflexes de l'appeler au téléphone. Non quand
je pense à me tuer ou que j'ai essayé, c'est pour fuir une souffrance
intolérable ou une situation que je ne peux pas assumer, c'est
tout, sans notion de fin de vie. Quand j'y pensais la
oui, j'avais un peu plus la notion, même si ça restait très flou.
Q : Plus précisément sur le suicide, au moment où
l'acte est quasi présent, le suicide apparaît comme LA solution
?
9 ans que
cela ne m'arrive plus, mais à l'époque (18 20 ans) ça m'apparaissait
comme une solution possible pour sortir de cette vie, je me disais "si
vraiment je n'en peux plus, il reste toujours cette solution". Quand je faisais ça impulsivement,
c'était plutôt pour échapper
à une situation, j'avais peu conscience de l'irrémediabilité de
mon acte, c'était flou et vague.
Q: Le suicide est-il la pour se donner la mort ou
pour un autre but, exemple cesser de souffrir
Lorsque j'y pensais, que
je ruminais mes idées noires, c'était plutôt pour la mort,
surtout pour partir de cette vie qui me faisait souffrir et qui était
vide, sans but, par contre quand c'était impulsif c'était pour fuir...
fuir une situation que je ne pouvais pas assumer, l'échec, j'avais
peur des conséquences que je voyais intolérables, alors je fuyais.
Il y a une
image qui me frappe et qui me fait penser à mon état d'esprit quand
j'ai fait ces TS :
Les
gens
sautant dans le vide du World Trade Center. Selon moi, ces gens ne
voulaient pas vraiment mourir en faisant ça, ils s'échappaient de
cette tour, de cette situation abominable, ils avaient peur, alors
ils ont sauté, pour fuir, même si bien sur en sautant ils sont
morts, ils n'avaient pas conscience de se suicider à mon avis, ils
fuyaient, c'est tout,
je crois que moi c'était pareil, même si bien sur ma comparaison est
horrible, ce qu'ils ont vécu est bien pire que moi.
Epilogue
Q : J'ai le sentiment que si l'on se donne la mort
de manière froide, réfléchie, planifiée, on interdit à son
cerveau primitif de mettre en route ses mécanismes
d'autodéfense, d'instinct de survie et donc on peut passer à
l'acte. Mais par contre que si l'on est bien réveillé, pas sous
alcool, médicaments ou drogue, si l'on tente un acte impulsif
de suicide alors l'instinct de survie se met en route.
Visiblement chez vous ce n'est pas le cas, qu'en pensez-vous ?
Effectivement,
il n'y a pas de réflexe de survie chez moi,
c'est ce qui me fait peur, de savoir qu'à tout moment on peut
faire n'importe quoi et qu'on peut le regretter après, en une
seconde on peut faire l'irréparable (sur soi-même ou
sur les autres)
Questions posées à A. sur le suicide :
Q : Vous décidez de vous tuer "pour vous" ou à
cause du regard des autres sur vous ?
Le
regard
des autres est une de mes préoccupations majeures :
c'est pourquoi j'ai fabriqué une deuxième personnalité sociale aux
caractéristiques acceptables par la société. Cette personnalité
m'évite généralement de subir les jugements des autres, me met aussi à
l'abri des critiques (fondées quelques fois par ailleurs ) qui me font
souffrir.
Lorsque
cette personnalité ne suffit plus et que le sentiment de rejet ou
d'inadaptation est trop fort, j'utilise d'autres mécanismes de défense
comme l'automutilation ou la boulimie pour me permettre d'évacuer
"en secret" sans montrer l'intensité de ma réaction, que je sais être
anormale et disproportionnée.
J'ai
construit tous ces systèmes de protection au fil des crises, essayant
de m'adapter malgré mon trouble.
Le
désir
de mort, par contre, est un sentiment que je porte en moi depuis
l'enfance. Mes premières idéations suicidaires sont
apparues assez tôt, vers l'âge de 10 ans. Je connaissais déjà l'avenir
auquel j'étais destinée par l'exemple de mon père : travailler
d'arrache-pied la majeure partie de sa vie pour finir vieux et malade,
méprisé et fatigué. Il me revient d'ailleurs en mémoire une phrase que
mon père m'a dite lors de ma dépression : "Si aujourd'hui j'avais la
possibilité de tout recommencer (me marier, fonder une famille,
travailler pour la nourrir), je ne le referais pas". Tout provient
donc de la conviction que j’avais qu'il vaut mieux choisir la mort à
une vie sans plaisir. Cela était pour moi une évidence lumineuse :
j'allais faire de mon mieux pour m'intégrer comme mes parents à la
société, mais je décidai de ne pas reproduire les mêmes erreurs en cas
d'échec.
Q : Est-il nécessaire pour vous d'avoir des
substances qui endorment le cerveau, (alcool, drogues, médicaments) ?
Non.
Lorsque je passe à l'acte, je suis déterminée, et dans une sorte
d'état second : complètement dissociée.
Je dirai même dans une transe très spéciale où je ne laisse plus place
au doute. Dans ces moments-là, je deviens totalement hermétique à
toute logique, centrée uniquement sur mon but, sourde à toute
tentative de me dissuader. En cas d'intervention extérieure à ce
moment précis, le désespoir de devoir à nouveau affronter ma
souffrance me fait entrer dans une colère aveugle et destructrice,
frappant les secouristes, me cognant la tête contre les murs, me
lacérant le corps avec tout ce qui me tombe sous la main. Je deviens
alors encore plus dangereuse pour les autres et pour moi-même que
pendant la dissociation.
On peut, je pense, parler de perte de réalité, d'un état probablement
très proche de la psychose.
C’est comme un barrage émotionnel qui cède dévastant tout sur son
passage.
Q : Donc vous avez besoin d'une substance que
j'appellerais "dissociation"? L'A. "principale" "consciente" ne
pourrait pas mettre fin à ses jours?
Personne
ne
peut consciemment mettre fin à ses jours. Non pas par
peur de la mort, mais par peur de la souffrance : les nausées
abominables des surdoses, les lavages d'estomac, le respirateur
artificiel... Si vous pensez à tout cela, vous ne pouvez pas passer à
l'acte.
Il faut
aussi penser à l'égoïsme de cet acte : quiconque pense à la douleur
des proches ne peut sauter le pas.
Enfin, ceci
est majoré par la peur de se rater et de rester paralysé à vie...
L'intubation m'a abîmé une corde vocale, et j'ai bien cru rester
aphone. J'ai manqué de peu la greffe du foie, et j'ai failli perdre
mes deux reins. Je vous assure que c'est plutôt cela qui fait
réfléchir.
Donc
pour
passer à l’acte, soit vous vous droguez, soit vous vous dissociez.
Cela dit,
pour moi, cela ne remet pas en cause la
véracité du désir de mort. Simplement, se suicider
n'est pas un comportement présent dans nos gênes. Il faut donc se
déconnecter de sa nature "animale" et passer outre l'instinct de
survie.
Q : Y-a-t-il plusieurs cas de figures différents
qui mènent à la TS ?
Paradoxalement,
je dirai que la TS mène à la TS,
comme une sorte de drogue. Une fois que l'idée vous trotte dans la
tête ou que vous faites une première tentative, la possibilité de
repasser à l'acte ne quitte plus votre cerveau.
A partir du
jour de ma première tentative, je me suis sentie emplie d'un désir de
mort démultiplié. De plus, j'étais sous très fort traitement et
subissais des effets secondaires terribles, incapable de lire ou
d'écrire, enfermée dans des hôpitaux vétustes parmi des malades
hurlant jour et nuit. Je n'avais clairement plus d'avenir… Chaque
échec me renforçait dans ma volonté de réussir.
Pendant un
an, j'ai pensé jour et nuit aux divers moyens de mettre fin à ma vie,
expérimentant tout ce qui me passait par la tête. Il m'est arrivé de
faire une TS par semaine : j'ai essayé l'électrocution, l'hémorragie,
divers médicaments, la strangulation… J'ai essayé de provoquer des
infections en enduisant mes plaies de toutes substances. J'ai cessé de
manger… Je me disais qu'en multipliant les tentatives, j'augmentais
les chances de réussite. Le suicide est
devenu ma drogue et très étrangement mon unique raison de vivre.
La cause de
cette obsession était toujours la même : la
vie m'était insupportable, et le désir de mort désormais
accessible, tapi dans mon cerveau depuis tant d'années,
était devenu irrépressible.
Q : Vous dites la vie m’était insupportable, la vie
ou la souffrance ?
La vie, pour moi synonyme de souffrance, est
insupportable.
Q: Quand c'est un projet mûrement réfléchi, ce
n'est en réalité qu'un jeu d'esprit qui ne mènera jamais à
l'acte ou pas ?
J'ai
généralement
toujours bien préparé mes tentatives, même si le moment
de les réaliser était parfois décidé sur un coup de tête. Pour ma
première TS (médicaments), j'ai délibérément manipulé plusieurs
psychiatres pour obtenir rapidement une grande quantité de
médicaments. Chaque ordonnance était déposée dans une pharmacie
différente, et je m'étais renseigné sur les quantités dangereuses.
J'ai aussi fait le gué plusieurs jours pour trouver un accès à la
rambarde de sécurité de la Grande Arche de La Défense, surveillant les
rondes des vigiles…
En fait, je suis très méthodique. Lorsque je
tombe sur une information utile et que je ne suis pas dans une période
de passage à l'acte, je la stocke dans un coin pour le jour où je
souhaiterai la mettre en œuvre. Le suicide est présent en permanence
dans mon esprit, que la volonté d'agir y soit ou non. C'est le seul
moyen pour moi de continuer : garder l'espoir que cela peut finir.
Q
: Mais avec un tel désir de "perfectionnisme" dans la mort,
pourquoi êtes-vous vivante aujourd'hui ? Vous vous dites
cultivée, plutôt intelligente, réfléchie, mais vous êtes en fait
totalement nulle ! :
Votre
question
me fait mal.
Oui,
je
suis totalement nulle. Je suis nulle parce que
terrifiée par le handicap.
Je pourrais
vous parler de Dominique, qui n'a plus de mâchoire et qui est aveugle
depuis qu'il s'est tiré une balle dans la tête. Je pourrais vous
parler d'Isabelle, en fauteuil roulant depuis qu'elle a sauté du 3ème
étage. Elle ne savait pas que cette hauteur n'est pas toujours
fatale.. Estelle qui ne marche plus sans béquilles depuis qu"elle a
sauté du toit du pavillon familial… Et tant d'autres pour lesquels mon
ventre se noue... Personne ne respecte leur handicap. Passer
outre les interdits moraux et religieux entraîne forcément un
"châtiment". "Ils" payent pour leur faute. "Ils" l'ont après tout
bien mérité, pensent certains observateurs.
Connaissez
-vous l'accueil que l'on fait aux suicidants dans les services
d'urgence ? Les anesthésies que l'on vous refuse, les lavages
d'estomac brutaux ? Le peu d'égard, le mépris, l'absence totale de
compassion de la part des soignants alors que NOUS SOUFFRONS ? Ils
sont persuadés qu'en nous traitant de la sorte ils nous redonneront
l'envie de vivre. (Sourire amer)
Alors oui,
je prends sans doute trop de précautions lors de mes tentatives. Je
fais en sorte de pouvoir obtenir des soins rapides en cas d'échec.
Et quelquefois, le sort veille sur moi... Le corps
humain est une machine incroyablement résistante, bien plus solide que
vous ne pouvez l'imaginer.
D'autres
n'ont pas eu ma chance... les "ratés", les infirmes, les oubliés. Ils
n'ont plus la parole, mais ils existent. Eux n'ont pas pris
suffisamment de précautions...
Q: Avez -vous à ce moment là, au moment de l'acte
ou presque acte, en tête la notion de fin de la vie définitive
au moment de ce projet impulsif ? (ou pas)
Je sais que
ma vie peut se terminer mais je laisse toujours une probabilité infime
pour que la tentative échoue. Je ne peux passer à l'acte avec la
certitude du résultat. Finalement, j'ai
besoin de croire que c'est en partie le Destin qui va me tuer.
Je garde
toujours en mémoire le court instant où j'ai sombré dans le coma après
un cocktail de médicaments particulièrement dangereux. Je me suis
sentie partir, mourir, avec certitude, et je ne peux vous communiquer
le sentiment de sérénité et de soulagement qui m'a envahie.
Depuis, je regrette tous les jours d'avoir survécu
et je maudis les médecins qui m'ont -difficilement- réanimée. Je
me maudis d'avoir échoué tant de fois. Aujourd'hui je
me suis réinsérée socialement et maîtrise la plupart de mes
comportements pathologiques. Et même s'il n'est pas question pour moi
actuellement de repasser à l'acte, je regrette chaque jour d'être
encore en vie sans amélioration à l’horizon.
Q : Plus précisément sur le suicide, au moment où
l'acte est quasi présent, le suicide apparaît comme LA
solution ?
Bien
sûr, et de toute façon quelle importance si c'est une
erreur ? Je suis athée : pour moi, la mort est simplement la fin de la
vie. Une fois morte, je n'aurai ni remords ni regrets.
De quel
droit m'a-t-on empêché de mourir ? Je rêve d'une société où quiconque
pourrait demander l'euthanasie. Je voudrais
que l'on m'achève faute de me soigner correctement, au
lieu de me laisser me débattre dans l'enfer qui m'entoure.
Q: Le suicide est-il là pour se donner la mort ou
pour un autre but, exemple cesser de souffrir ?
La mort en
soi n'est pas une fin, j'ignore ce qu'elle est. Mais la
vie me demande trop d'efforts. La balance
avantages/inconvénients n'est pas en sa faveur. J'ai
26 ans, et combien d'années encore à supporter cette souffrance
intolérable et à garder la tête hors de l'eau ? Je suis
à bout, je le suis depuis l'age de 10 ans. Je me bats, mais j'aimerai
que cela cesse. Vraiment.
Q : J'ai le sentiment que si l'on se donne la mort
de manière froide, réfléchie, planifiée, on interdit à son
cerveau primitif de mettre en route ses mécanismes
d'autodéfense, d'instinct de survie et donc on peut passer à
l'acte. Mais par contre que si l'on est bien réveillé, pas sous
alcool, médicaments ou drogue, si l'on tente un acte impulsif de
suicide alors l'instinct de survie se met en route. Visiblement
chez vous ce n'est pas le cas, qu'en pensez-vous ?
Les
possibilités de déviations de l'esprit sont infinies. C'est ce que
l'on appelle communément la folie…
Q: Si avec un traitement, l’on vous permet de
guérir de ces comportements impulsifs, de ces émotions non
contrôlées et donc des souffrances qu’elles engendrent,
pensez-vous que ce désir de mort continuera de vous habiter ?
Non. Le
désir de mort est simplement la conséquence d'un trop-plein de
souffrance. Si mes perspectives d'avenir changent, et si j'arrive à
entrevoir un début d'espoir, alors je mettrai toutes les forces qui me
restent à guérir.
Epilogue.
J'ai beau
savoir que tout cela est le fruit d'un esprit malade, je
garde en moi cette possibilité (espoir) de faire cesser mes
tourments. Il y a longtemps que j'attends le thérapeute
qui m'apportera soin et compréhension. J'ai sillonné les hôpitaux
psychiatriques, les cliniques et les cabinets privés. J'avais
cessé
de chercher … jusqu’à découvrir votre site
Avec l'aimable collaboration de A.
Pré-constat de l'AAPEL
La
"morale"
de l'histoire pourrait être que l'on doit être honnête avec les
personnes qui souffrent de cette maladie
mais faire attention aux mots que
l'on prononce "sans faire
attention".
A
oui, ils sont insupportables,
c'est vrai, mais il ne faut pas dire des phrases comme "qu'elle
aille se pendre au moins on sera tranquille", car elle pourrait
vraiment le faire !
Conclusion de l'AAPEL sur le Suicide
Ne nous leurrons pas,
nous n’obligerons pas une personne souffrant
d'un trouble borderline à vouloir ne pas mourir, de même que
nous ne pourrons l’obliger à
vouloir se soigner.
Tout juste
pourrons-nous durant les crises tenter de
mettre le maximum de bâtons dans leurs roues afin
qu’elles ne réussissent pas leur acte.
Si sur le coup elles
nous détestent de ne pas les avoir laissé faire, de ne pas les laisser
dans leur état, on s’en moque !
Alors
comment faire ?
Vous n’arriverez pas à
me faire croire que se donner la mort est un acte positif !
Si des malades
choisissent sciemment cette voie c’est bien en l’absence totale
d’alternative (à leurs yeux).
Merci de lire les pages:
Impulsivité et trouble borderline
Troubles impulsifs et borderline
Guérison
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Dernière mise à jour 2020
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